Il en faut peu pour mettre l’esprit d’un enfant en travail. Ceci est l’histoire inventée par A., une jeune fille de 9 ans environ.

Un village garde un troupeau de mouton. Il y a une fermière qui leur donne à manger, une autre qui surveille si le loup arrive, et les hommes s’occupent de tondre la laine s’il fait trop chaud. Mais ce sont eux aussi qui protègent les moutons du loup.

Un jour, la fermière crie « Au loup! Au loup! » les six fermiers arrivent. Mais le loup n’est pas là. Les fermiers râlent, et redescendent. Plus tard, le loup est vraiment là. Cette fois, il mord un fermier. Ils se battent, et le loup le mange. Quand les autres arrivent, ils disent à la fermière qu’ils ne savent rien faire. Ils redescendent tous. Ils ont très peur du loup.

En soi, c’est l’histoire du berger qui criait au loup avec une légère variante. C’est précisément parce qu’il y a eu variante que cette histoire m’a interpellée, et que j’ai commencé à y voir autre chose.

Dans l’équipe, nous sommes sept. Autant qu’il y a de fermiers. Bon… cela pourrait être une coïncidence : il est vrai que le chiffre 7 est chargé d’un fort symbolisme, pour ne pas dire d’une mystique, et qu’il pourrait ressortir pour d’autres raisons. Mais peu de temps avant que nous jouions à inventer des histoires avec A., un adolescent s’est battu avec l’un des éducateurs, l’a mordu. L’éducateur a pris de la distance avec le boulot et ne travaille plus directement au sein de l’équipe, tandis qu’il ne s’est rien passé pour le jeune. Et il est vrai qu’en réunion, nous avons évoqué notre impuissance face à ce jeune qui explosait notre cadre.

Ce soir-là, j’ai décidé que ce ne serait qu’une histoire, et rien de plus, dans le jeu que nous partagions elle et moi, et que nous en raconterions d’autres encore par après.